A propos du concept de droit négatif

Le concept de droit négatif est fondamental dans la philosophie libertarienne, il est présent dans tous les courants de celle-ci, notamment le minarchisme ou l’anarcho-capitalisme et même le libertarianisme de gauche. Les autres concepts fondamentaux qui vont être évoqués dans cet article sont ceux de légitime défense et de juste réparation ou compensation.

Le concept de droit négatif est censé exclure ce que les libertariens appellent les « droits sociaux » – ou plus péjorativement les « faux droits » – qui correspondent grosso modo à des droits qui reposent sur la redistribution ou qui impliquent des obligations ou des interdictions, ce qui, bien entendu est inacceptable, pour un libertarien. On peut citer comme exemple de « faux droit », le droit à des aides sociales ou le droit à un logement décent. Or, il s’avère que la conjonction de la définition de droit négatif avec les principes de légitime défense ou de réparation / compensation conduit à accepter ces « faux droits » comme légitimes !

Voici le raisonnement – cela pourra sembler rébarbatif mais il est nécessaire d’être le plus précis possible afin d’éviter les critiques (quelquefois de mauvaise foi).

Définition 1 (droit négatif)  X est un droit négatif ssi le respect de X n’implique pas une agression ou une menace d’agression envers un individu.

Exemple 1  X := ne pas être agressé, X := jouir de sa propriété, X :=ne pas avoir sa propriété dégradée.

Axiome 1 (légitime défense)  Un individu I a le droit de ne pas respecter un droit négatif d’un individu J ssi J viole ou menace de violer un droit négatif de I.

Axiome 2 (principe de réparation ou compensation)  Un individu I a le droit de ne pas respecter un droit négatif d’un individu J ssi J a violé un droit négatif de I.

Exemple 2  J vole un bien de I. I a le droit de forcer J à lui rendre son bien et/ou à lui verser une compensation.

Axiome 3  Si un individu J effectue une action a telle que a empêche l’individu I de X et si J sait que a empêche I de X alors J viole le droit négatif X de I.

Exemple 3  X := ne pas avoir sa propriété dégradée. J installe une machine qui fuit sur son terrain mais à proximité de la propriété de I. I informe J que sa machine fuit. J ne fait rien. Quelques jours plus tard, la fuite se propage à la propriété de I et la dégrade. Le droit X de I est violé par J.

Axiome 4  Si deux individu J et K effectuent respectivement une action a et une action b telles que la conjonction de a et b empêche I de X et si J et K savent que a Λ b empêche I de X alors J et K violent le droit X de I.

Exemple 4  J installe une machine qui fuit à l’extrémité de son terrain, son voisin K installe une machine qui fuit à l’extrémité de son terrain. I n’est pas le voisin immédiat ni de J ni de K mais les prévient des fuites. Les liquides des fuites finissent par se rejoindre sur un terrain voisin de I. Or il se trouve que ces liquides mélangés sont explosifs (ce que savent J et K). Une explosion a lieu et détruit une partie de la propriété de I. Le droit X de I est violé par J et K.

L’axiome précédent se généralise.

Axiome 5  Si n individus I1, I2, … , In effectuent respectivement des actions a1, a2, … , an telles que a1 Λ a2 Λ … Λ a2 empêche I de X et si I1, I2, … , In savent que a1 Λ a2 Λ … Λ an empêche I de X alors I1, I2, … , In violent le droit X de I.

Une fois ceci posé on peut réussir à démontrer qu’il est légitime d’avoir un système de soins socialisé !

Prenons X :=accéder à des soins. A priori, c’est un droit négatif dans le sens où vous n’agressez personne lorsque vous allez dans un hôpital ou chez votre médecin. D’autre part, personne n’a le droit de vous empêcher d’aller voir un médecin.

Considérons un individu I dont le revenu et les prix des soins l’empêchent de X. Etant donné que la répartition des revenus et le niveau des prix au sein d’une société résultent des actions d’une multitude d’individus (n individus) et étant donné que ces individus savent que cette répartition et ce niveau résultent de leurs actions conjointes, on conclut, avec les axiomes 3 et 5, que le droit X de I est violé. Comme il est violé, il est possible d’appliquer les axiomes 1 ou 2 (légitime défense ou réparation / compensation), ce qui revient à créer un système de santé socialisé de type sécurité sociale. Ici l’agression légitime est d’obliger les individus I1, I2, … , In de payer des impôts pour financer ce système de soins.

Le cas X :=accéder à des soins, est paradigmatique de quasiment tout ce que les libertariens appellent « faux droits ». En effet, l’existence de ces derniers repose sur le constat que certains individus n’ont pas les ressources suffisantes leur permettant de X (avec X un droit négatif quelconque). Or, comme dit supra, la répartition des ressources est le résultat de l’action d’une multitude d’individus conscients de ce fait. Le raisonnement alors effectué pour X := accéder à des soins s’applique et justifie notamment un système de redistribution, c’est-à-dire l’existence d’impôts, ou encore de certaines obligations et interdictions.

Une fois qu’on est arrivé à cette conclusion, il apparaît que le concept de droit négatif perd tout son intérêt lorsqu’il est combiné avec le principe de légitime défense ou avec celui de réparation / compensation. 

Un commentaire

  1. dans cet article, vous touchez à des situations connues pour beaucoup et les raisonnements ,ici, sont très subtils et font réfléchir.
    ils permettent de voir des faits sous d’autres angles.
    bravo!

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